Le fabuleux destin de sainte Ségolène
Résumé de la communication du 7 avril 2011
de Madame Christiane PIGNON-FELLER
membre titulaire
Le fabuleux destin de sainte Ségolène
Sainte Sigolène, issue d’une famille de nobles francs, est la fondatrice, dans la première moitié du VIIe siècle, d’une abbaye à Troclar, près d’Albi, d’où son culte a essaimé vers l’Auvergne et le Limousin, vers la Catalogne (Seculina) voire le Portugal (Seguinha). Elle est fêtée le 24 juillet.
À Metz, on sait peu de chose sur la fondation, au IXe siècle, de l’église Sainte-Ségolène (reconstruite au XIIIe siècle et agrandie au XIXe) où le culte de la sainte s’est maintenu jusqu’au XXe siècle. Célébrée comme vierge, comme consacrée à Dieu, puis comme veuve, on la trouve mentionnée dans des martyrologes à Senones, à Echternach, à Toul et à Remiremont. Un légendier messin du XIIIe siècle la donne originaire d’Amiens et veuve, de même que le propre de l’office au XVIIe siècle.
Eglise Sainte Ségolène de Metz
Photo Philippe Hoch
Les généalogies carolingiennes et arnulfiennes la glissent dans la parenté des évêques messins venus d’Aquitaine (Aigulphe, Goëric et Arnoul). Ces généalogies inventées au IXe siècle serviront successivement à étayer et à légitimer l’ascendance mérovingienne des Carolingiens, des Habsbourg, des Lorrains, des évêques messins et des rois de France, engendrant des polémiques enflammées et des règlements de comptes furieux. Tandis qu’en parallèle les martyrologes romain, gallican, universel et le martyrologe critique de 1701 attribuent à la sainte une origine et une parenté albigeoise sans mentionner la moindre relation messine.
En 1657, la publication par un Jésuite d’une Vita authentique retrouvée à l’abbaye de Moissac n’apaisa guère les conflits. Les Bollandistes qui avaient adopté l’ordre liturgique furent pris de vitesse par le Bénédictin Mabillon qui inséra la sainte dans la chronologie bénédictine au VIIIe siècle et la décréta, sur la foi d’une homonymie invérifiable, sœur de l’évêque messin saint Sigebaud. Le Bollandiste Guillaume Cuper eut beau, en 1730, récuser les assertions bénédictines, voire mettre en doute la similitude de la sainte messine et de la sainte albigeoise, l’erreur de la parenté de Ségolène avec l’évêque messin se perpétua jusqu’au début du XXe siècle voire au-delà.
En 1909, le savant allemand Wilhelm Levison, dans une analyse comparatiste implacable et une chronologie relative de la vie et de la Vita rétablit la vérité scientifique à partir des textes. Celle-ci fut corroborée par les fouilles archéologiques menées à Troclar à partir de 1970 et par des études renouvelées de la Vita qui situent la vie de Ségolène au début du VIIe siècle.
Mais du côté de Metz, le beau cas d’école, hagiographique, historique et iconographique d’une Ségolène vierge, veuve, princesse, abbesse, sœur d’évêque, exorciste, thaumaturge, modèle de charité et d’humilité reste à approfondir et le mystère de son fabuleux destin et de sa légende est encore loin d’être levé.